Vidéo – Moulaye Thiam nous parle de l’arnaque dont il a été victime dans le football

Ex-joueur chez les jeunes du PSG, qui vient de porter plainte contre un agent de joueurs

« Ces gens ont ruiné ma carrière et brisé ma vie. » Moulaye Thiam a aujourd’hui 30 ans. Il est un footballeur sénégalais perdu à Thouars, dans les Deux-Sèvres. « J’en ai marre du foot, dit-il. Je suis dégoûté. Je ne veux plus en entendre parler. »

Il y a une quinzaine d’années, sur les terrains du camp des Loges, Moulaye Thiam était pourtant un vrai espoir du ballon rond. Originaire de Daumesnil, dans le XIIe arrondissement de Paris, le Sénégalais jouait avec les moins de 13 ans du PSG.

Repéré et recruté par le Stade rennais, il pensait avoir les portes de la gloire ouvertes devant lui. « A cette époque, on me disait : Tu seras le meilleur joueur d’Europe, fais-nous confiance. J’étais un gamin solitaire. J’ai eu le malheur de le croire. »

Les personnes qui racontent ce conte de fées improbable à l’adolescent un peu naïf sont deux agents portugais. En 2014, l’un d’eux est entraîneur adjoint dans un des plus grands clubs du Portugal, l’autre est dirigeant d’un club de la banlieue parisienne. Thiam a déposé plainte la semaine dernière contre le premier, qui n’a pu être joint, auprès du procureur de la République du tribunal de Poitiers pour vol et extorsion de fonds. « Cet agent m’a fait signer au Sporting Lisbonne. J’avais 16 ans. Le Sporting, c’était un immense club, c’était magique. J’ai voulu y croire. Aujourd’hui, je m’en veux mais, à l’époque, qu’auriez-vous fait à ma place? J’étais un gamin africain venu de la banlieue parisienne. »

Sur le papier, tout est beau. Sauf que ce n’est pas le grand club de la capitale portugaise qui lui ouvre les portes, mais sa succursale. Première embrouille : Moulaye Thiam ne croise les joueurs pros que sur le parking du stade, jamais en match. « Je jouais contre certains à l’entraînement parfois, se souvient-il. J’étais surclassé. J’étais aussi fort qu’eux. » Du moins a-t-il la faiblesse de le croire à l’époque jusqu’à la blessure fatale. « J’ai souffert d’une pubalgie à force de m’entraîner comme une bête, sans repos ni soins. Elle n’a jamais été soignée. On me faisait des piqûres dans les fesses pour me guérir sans que je sache ce qu’il y avait dans la seringue. Résultat, quinze ans après, j’en souffre encore. Je ne peux pas courir comme tout le monde. »

Il raconte que ses agents le laissent végéter à Lisbonne avant de lui faire miroiter le FC Porto, a l’époque entraîné par José Mourinho. « A 17 ans, j’ai signé un contrat de trois ans. » Là aussi, l’expérience tourne court : Thiam n’y reste que quelques mois. « Mes agents ont fait rompre ce contrat. Je ne sais toujours pas pourquoi parce que ça marchait bien. Porto me faisait confiance : j’avais tout à prouver. Ils ne m’ont jamais demandé mon avis ni ma signature. Surtout, je n’ai jamais rien empoché. J’étais obligé de leur demander mon argent de poche. A la rupture de mon contrat, je n’ai pas touché un centime. Je n’imagine pas le club n’avoir rien payé. Donc, je soupçonne cet agent de l’avoir empoché. » Il en réclame aujourd’hui réparation à hauteur de 1 M€.

« L’affaire est ancienne, dit son avocat. Il faut la réactiver. Il y a risque de prescription et il n’est pas certain du tout qu’elle aboutisse en sa faveur. » Ce qui serait pour lui une nouvelle déconvenue.

Depuis ces mésaventures, Moulaye Thiam a erré à la recherche de ses rêves. Echoué à Thouars, club pour lequel il a évolué en National, il s’est décidé à raconter son histoire, quinze ans plus tard. Peut-être trop tard. « J’ai fini par craquer et le dire sur le conseil de mon entourage qui me poussait à le faire depuis longtemps. » Il a un livre en préparation. « Mon combat aujourd’hui est pour que de jeunes Africains comme je l’étais ne tombent pas dans le même piège. Je le dis bien fort : j’ai été victime de l’esclavage moderne, l’esclavage du football. Je dis aux nombreux jeunes joueurs africains de la région parisienne : ne faites pas la même erreur que moi. Ne croyez pas tout ce qu’on vous dit. »