Mondial 2018 – Didier Deschamps vs Thierry Henry, le match

La demi-finale du Mondial entre l’équipe de France et la Belgique, mardi (14h00), sera aussi l’opposition entre Didier Deschamps, le sélectionneur des Bleus, et Thierry Henry, membre du staff des Diables rouges. Deux joueurs qui ont marqué l’histoire du football français.

Lorsqu’ils ont soulevé la Coupe du monde ensemble, il y a vingt ans, apportant à leur pays l’un des plus beaux succès sportifs de son histoire, Didier Deschamps et Thierry Henry n’imaginaient sûrement pas se retrouver un jour opposés dans la même compétition, l’un sur le banc de l’équipe de France et l’autre dans le camp d’en face. C’est pourtant ce qui va se passer mardi (21h00) en demi-finales du Mondial. Le premier, à la tête de la sélection tricolore depuis 2012, voudra guider les Bleus vers leur troisième finale, tandis que le second, deuxième adjoint de Roberto Martinez au sein du staff de la Belgique depuis 2016, tentera de jouer un mauvais tour à sa patrie de toujours. Une situation inattendue pour les deux champions du monde 1998, qui ont mené de nombreuses batailles côte à côte et aussi beaucoup gagné chacun de leur côté, avant de voir aujourd’hui leurs routes se croiser à nouveau.

Deux palmarès hors du commun

La première chose qui nous vient à l’esprit lorsqu’il s’agit d’évoquer les carrières respectives de Deschamps et Henry, c’est leur incroyable palmarès. À eux deux, ils ont gagné trente-cinq trophées, quinze pour l’ancien milieu et vingt pour l’ex-attaquant. De la France à l’Italie, en passant par l’Angleterre, l’Espagne et mêmes les États-Unis, partout où ils sont passés, ces deux-là ont tout le temps laissé une trace. Si bien qu’aujourd’hui, s’il fallait établir une hiérarchie des plus beaux palmarès du football français, ils ne seraient sans doute pas loin de la première place.

Outre la Coupe du monde et l’Euro 2000 remportés ensemble, avec l’équipe de France, les deux joueurs ont aussi accumulé des titres en club. À deux reprises par exemple, en 1993 avec l’OM et en 1996 avec la Juventus, Didier Deschamps a brandi la Coupe des clubs champions, la plus prestigieuse des compétitions européennes, dont il a disputé au total cinq finales, la dernière avec Valence en 2001. Thierry Henry aussi a eu cette chance, mais il a attendu beaucoup plus longtemps avant de pouvoir le faire. Après un premier échec en 2006 en finale avec Arsenal, l’attaquant obtiendra la consécration trois ans plus tard, avec le Barça, mais une seule fois. Ce qui le situe peut-être un peu en-dessous de son ancien partenaire en sélection, malgré une collection de trophées plus riche.

Deux monstres en équipe de France

Entre l’ancien capitaine emblématique de la génération 98 et le meilleur buteur français de l’histoire, il est très difficile de savoir lequel des deux a le plus marqué les esprits. Petit indice : dans notre Top 100 des meilleurs Bleus réalisé juste avant la Coupe du monde, Henry arrivait en troisième position derrière Zinédine Zidane et Michel Platini. Deschamps n’était pas très loin, à la cinquième place. Ce qui confirme leur proximité en termes de performances.

La différence se fait peut-être sur la longévité. Plus jeune (40 ans), l’homme aux 51 buts en équipe de France a porté pendant treize ans (1997-2010) le maillot tricolore. Son aîné (49 ans) s’est lui contenté de onze années (1989-2000) en sélection, connaissant au passage la terrible désillusion du 17 novembre 1993, face à la Bulgarie (2-3), avant de rebondir plus tard sous la direction d’Aimé Jacquet.

81 – C’est le nombre de matches lors desquels l’équipe de France a été dirigé par Didier Deschamps, depuis sa nomination en 2012 (51 victoires, 15 nuls et 15 défaites). Il s’agit d’un record. Le précédent appartenait à Raymond Domenech (79 entre 2004 et 2010).

Deux gros compétiteurs

Là où Deschamps et Henry se ressemblent encore, c’est dans leur mentalité de gagnants. Que ce soit en tant que joueurs ou aujourd’hui comme entraîneurs, les deux hommes ont cultivé durant toute leur carrière cet état d’esprit de compétiteurs invétérés. «C’est juste un monstre. Partout où il va, il gagne. Il change la mentalité de ses joueurs, disait l’ancien attaquant d’Arsenal de l’actuel patron des Bleus, en 2016 avant l’Euro sur la BBC. Et ce que l’on voit toujours avec lui, c’est l’équipe d’abord. Tout ce qu’il fait, il le fait pour l’équipe.»

Nommé ambassadeur non officiel de «la gagne» par ses joueurs, à Monaco, l’OM puis désormais en équipe de France, Deschamps a ce point commun avec Henry qu’«il déteste perdre. C’est un battant», jugeait le jeune retraité en 2002, au Point, avant de se lancer dans carrière d’entraîneur. Les deux hommes cherchent la perfection en permanence, encore aujourd’hui, si bien qu’après le succès des Diables rouges contre la Tunisie (5-2), au premier tour du Mondial, Henry, en charge d’entraîner les attaquants belges, n’était pas particulièrement heureux, la faute à ces deux buts encaissés dont en fin de match par Wahbi Khazri. Ce qui l’avait contrarié. Et il n’avait pas manqué de dire ce qu’il en pensait aux joueurs. Cette anecdote, comme beaucoup d’autres survenues auparavant qui ont jalonné leur vie, témoignent de deux fortes personnalités.

Deux images opposées

Au fil des années, la perception des gens à l’égard de Didier Deschamps et Thierry Henry a quelque peu évolué. Si le premier n’a jamais été considéré comme un surdoué, mais plutôt comme un gros travailleur qui s’est battu pour obtenir tout ce qu’il a eu, le second, à l’inverse, a longtemps représenté tout du petit prodige. Avec David Trezeguet en 1998, il formait une doublette de gamins attachants en équipe de France, que leurs expérimentés coéquipiers voulaient protéger. Ça a duré quelque temps, mais cette étiquette est ensuite devenue un lointain souvenir, quand le joueur s’est endurci, pour faire place à un personnage plus «dur» . Jugé parfois arrogant pour ne pas fêter ses buts, trop individualiste sur le terrain pour certains et victime d’une fin de carrière marquée par sa main contre l’Irlande et la grève de Knysna, Henry ne fait plus l’unanimité.

Le consultant pour la chaîne SkySports en Angleterre s’exprime peu en France, à l’inverse de Deschamps, omniprésent dans les médias, de par sa fonction de sélectionneur. Très à l’aise face aux journalistes et très aimé par le public pour sa bonhommie, sa franchise et sa réussite sportive, l’ancien milieu de terrain semble paradoxalement plus apprécié aujourd’hui que jamais. Sa cote est en hausse constante. Et si d’aventure, il parvenait à mener les Bleus jusqu’au titre suprême le 15 juillet, elle ne risquerait pas de retomber de sitôt. Au contraire de Henry, si la Belgique venait à s’imposer.