Maroc : Hervé Renard, bien plus qu’un sorcier blanc

Après son échec à Lille, le technicien français Hervé Renard a su se reconstruire en Afrique avec ses méthodes, parvenant à se qualifier pour la Coupe du Monde.

 

À Abidjan, Hervé Renard savait qu’il allait faire face à son destin. Après les réussites continentales, représentées par les deux Coupes d’Afrique des Nations remportées en 2012 (Zambie) et 2015 (Côte d’Ivoire), il ne lui manquait qu’une étape pour s’affirmer comme l’un des meilleurs entraîneurs de sa génération sur ce continent. Pour valider ce statut, il fallait donc ne pas perdre face aux Éléphants, son ancienne équipe. À la croisée des chemins donc, l’entraîneur de 49 ans est entré dans une nouvelle ère après sa victoire pleine de maîtrise, celle de la reconnaissance quasiment unanime de la part de tous les acteurs du football africain.

Après Lille, la remise en question

Dans cette quête, devenue presque mystique au fur et à mesure des succès, Hervé Renard partait d’assez loin pourtant. Après les succès à la CAN, le natif d’Aix-les-Bains avait choisi de revenir en france pour enfin s’installer dans un club, à travers un projet à long terme. L’équipe idéale s’est alors présentée : Lille. L’idylle va vite tourner court. Après trois victoires en treize rencontres de L1, Hervé Renard est débarqué et doit se rendre à l’évidence : il n’est peut-être pas encore prêt pour un tel challenge, malgré un CV qui parle pour lui à l’étranger.

Il panse alors ses plaies le temps de quelques semaines avant de reprendre du service, là où la réussite ne le fuit pas : en Afrique. Cependant, il ne choisit pas le contexte le plus simple : la sélection marocaine, en panne de résultats depuis plusieurs années avec des conflits entre les joueurs. Renard met directement les mains dans le cambouis et parvient à dessiner un collectif, avec des hommes forts autour de lui : Benatia son capitaine, Belhanda au coeur du jeu ou encore Saïss, Dirar et Boussoufa comme ses relais sur le terrain. Tout n’est pas rose pur autant comme le prouve sa relation tumultueuse avec Hakim Ziyech. Depuis, de l’eau a coulé sous les ponts et le milieu offensif de l’Ajax a pris part avec brio aux dernières rencontres de qualification.

« Passionné, méticuleux, organisé »

Pour Frédéric Balp, voir réussir Hervé Renard n’a rien d’un hasard. Dans les années 90, il l’a connu comme joueur puis comme entraîneur, du côté de Draguignan. Malgré le niveau amateur du club, alors en CFA, le jeune coach avait déjà beaucoup d’exigences, désirant tirer tout le monde vers le haut. « Il y a beaucoup de termes qui le caractérisent : passionné, méticuleux, organisé… il fallait le suivre sinon tu risquais de sortir du chemin. J’ai eu beaucoup de difficultés au départ mais avec du recul je me suis aperçu qu’il m’a beaucoup apporté. Il peut être très dur des fois, mais ça vaut évidemment le coup de le suivre ».

Dans sa gestion des hommes, le Savoyard sait être strict quand il faut, mais également souple dans certains moments particuliers. Avec le Maroc il a su manager les égos pour que personne ne soit plus haut qu’un autre afin d’arriver à ce qu’il ambitionnait au départ : créer un collectif solidaire, capable de se sortir de traquenards aussi difficiles que celui d’Abidjan, ce samedi. « Il n’a pas eu le temps nécessaire pour démontrer toutes ses qualités en Ligue 1, indique Frédéric Balp. C’est un personnage qui a un caractère bien particulier, il sait aussi être proche de ses joueurs avec de la complicité et des discussions. Sa carrière a encore du temps : il est très revanchard et a envie de revenir en France pour y réussir et s’installer ».

Une aura renforcée en Afrique

En attendant un retour dans l’Hexagone, celui qui avait failli sauver Sochaux en 2014 va connaître pour la première fois la saveur d’une Coupe du Monde. « Ce sont des moments inoubliables. J’ai la chance de les vivre, j’ai certainement une bonne étoile », a-t-il indiqué après le succès en Côte d’Ivoire. Un parcours exemplaire (0 défaite, 0 but encaissé) a encore plus renforcé son aura en Afrique où il est acclamé pour sa capacité à transcender un groupe.

Dans un entretien accordé à l’Équipe en janvier dernier, Hervé Renard racontait le lien qui l’unit au continent africain, exprimant une forme de reconnaissance assez personnelle et émotive. « Oui, ici, je suis respecté, c’est une grande fierté quand je vois ces sourires, ces regards… Ça me transperce le coeur. L’Afrique est un endroit où j’aime être et où je finirai sans doute ma vie ». Des émotions seront encore au rendez-vous, au moment d’entendre l’hymne marocain en Russie à partir du 14 juin 2018.

Goal.com