Lamine Gassama : «Nous devons séduire notre public»
Un des doyens de la Tanière, Lamine Gassama (29 ans, 31 sélections depuis 2011) analyse lucidement le jeu produit par les Lions. S’il se réjouit des résultats après 5 journées dans les éliminatoires de la CAN 2019, le latéral droit de Goztepe (Super Lig turque) reconnaît que l’équipe du Sénégal doit fluidifier son jeu.
Lamine, où en êtes-vous avec votre blessure ?
Je me suis blessé en équipe nationale, lors du dernier rassemblement à la veille du match contre la Guinée équatoriale. Mais, j’ai repris l’entraînement avec mon club et je me sens bien maintenant. Je vais jouer ce week-end si tout va bien. C’était une petite blessure qui nécessitait un peu de repos. Maintenant, ça se passe super bien et comme je l’ai dit, je suis d’attaque.
Était-ce une bonne décision de vous engager avec Goztepe ?
(Catégorique) Pour moi, oui ! C’est un club très ambitieux qui a fait une excellente saison l’année passée et qui peut encore progresser. Depuis que je suis arrivé, je me sens totalement épanoui. Là, on a l’impression que je suis au club depuis des années.
D’aucuns pensaient que c’est à Alanyaspor que vous vous sentiez le mieux ?
Oui, Alanyaspor était comme une maison pour moi. J’ai joué deux ans là-bas et j’ai vécu des saisons pleines. Après j’aurais pu prolonger mais Goztepe m’a présenté un projet beaucoup plus ambitieux. C’est comme ça que j’ai rejoint ce club. Le coach m’a séduit par le projet alléchant qu’il a mis en place.
Aujourd’hui, la Turquie attire de plus en plus les joueurs. Qu’est-ce qui l’explique selon vous ?
Bon vous savez, contrairement à ce que les gens pensent, la Turquie a un très bon championnat. Aujourd’hui, on voit beaucoup de joueurs européens y débarquer. Le championnat monte en niveau d’année en année et attire pas mal de grands footballeurs.
Qu’est-ce qui fait la particularité de la Super Lig par rapport aux autres championnats européens ?
Ce n’est pas comme en France. Ici on s’appuie moins sur l’aspect tactique, ici c’est un peu la folie, les gens sont en plein dans la magie du foot, ils aiment voir beaucoup de buts. Le championnat turc n’a rien à envier aux autres championnats. La ferveur est toujours présente dans tous les stades.
Est-ce que ce n’est pas plutôt l’aspect financier qui séduit les footballeurs étrangers surtout que l’on paierait moins d’impôts en Turquie ?
C’est vrai qu’ici il y a moins d’impôts à payer. Mais il faut savoir qu’en fonction de l’état de l’économie du pays les salaires varient. Du coup, on n’a plus les salaires mirobolants des dernières années. Il y a aussi la motivation première des joueurs qui n’est pas forcément une histoire financière. Et, après viennent les questions d’opportunités. Maintenant en Turquie, c’est beaucoup plus difficile d’y entrer, les clubs sont devenus exigeants pour le recrutement. Ils ne prennent pas aveuglément les joueurs comme ça a été le cas précédemment.
Comment vivez-vous le chauvinisme des supporters et la ferveur dans les stades ?
Le peuple turc aime beaucoup le football. À Goztepe, les supporters sont exceptionnels, le stade est toujours plein à craquer. Qu’on joue à domicile où à l’extérieur, les supporters voyagent en nombre. C’est ce qui nous motive le plus. D’ailleurs, c’est le cas partout en Turquie.
Après trois ans passés en Turquie, peut-on dire que Lamine Gassama est à sa place ?
Je ne sais pas. Mais, en tout cas, je suis très heureux ici. Je sais que je pouvais aller dans d’autres championnats, j’avais d’autres possibilités, mais je ne regrette pas le choix de venir ici. Aujourd’hui, je joue régulièrement et je m’épanouis comme je l’ai toujours rêvé. On ne peut pas demander mieux.
Pensez-vous que Goztepe peut mieux faire que la saison passée ?
C’est possible. C’est vrai qu’actuellement nous sommes dans une passe assez difficile parce qu’on n’a pas gagné nos derniers matches. Le championnat est relativement difficile et très serré. Je pense qu’avec l’effectif que nous avons, on peut faire mieux. Il ne suffit pas simplement de parler. Mais, plutôt de se battre pour y arriver.
Quel est l’objectif de Lamine Gassama, cette année ?
Mon objectif reste toujours le même : jouer le maximum de matches et faire une saison pleine. Si on peut décrocher une place européenne pour la prochaine saison, on ne va pas s’en priver.
Et si on faisait le bilan des éliminatoires de la CAN 2019 ?
Je trouve que le Sénégal a fait une bonne campagne en se qualifiant dès la 4ème journée. Donc, on est sur la continuité de ce qu’on fait depuis trois ans. C’est une bonne chose de rester sur cette lancée. Tout n’a pas été rose. À nous de séduire le public. Nous sommes sur une bonne dynamique et l’essentiel c’est de ne pas baisser la garde.
Le jeu produit par l’équipe du Sénégal est souvent décrié, comment vivez-vous cela de l’intérieur ?
Entre nous, on sait ce qu’il faut travailler pour continuer à bien faire certaines choses. On connait nos lacunes, on prend aussi en compte les critiques fondées pour retravailler tout cela à l’entraînement. Après, les gens peuvent toujours parler de cela vu que notre jeu n’est pas parfait, nous, on s’appuie sur ces remarques pour essayer de progresser. On ne prend pas mal toutes ces critiques parce qu’on sait qu’il y a les espoirs de tout un peuple qui reposent sur nous.
Qu’est-ce qui manque réellement à cette équipe ?
Je ne sais pas trop. Avec les joueurs de qualité que nous avons, peut-être qu’il nous manque un peu de lucidité dans le jeu. Je pense qu’on est capable d’avoir une meilleure possession et de produire un meilleur football. En Afrique, c’est un peu difficile mais je pense que nous sommes capables de le faire. Il ne faut pas oublier qu’en face, nous avons aussi des équipes qui comptent dérouler. Et, aujourd’hui, le Sénégal est devenu un adversaire que tous les autres pays veulent défaire. Mais, comme je l’ai dit, on essayera de toujours parfaire notre jeu qui manque de fluidité.
Le Sénégal peut-il remporter la CAN 2019 avec le jeu qu’il produit ?
Nous avons la capacité d’aller jusqu’au bout, mais il va falloir le démontrer durant la CAN. Nous avons le soutien de toute une nation. Certes nous sentons aussi la pression sur nos épaules parce que le Sénégal n’a jamais rien gagné en termes de trophée. Par rapport à notre génération, c’est aussi le moment car on a perdu du temps. Lors de la dernière CAN on nous a éliminés aux tirs au but mais je pense qu’on a montré un bon visage de l’équipe du Sénégal. Maintenant, cette fois-ci, il va falloir confirmer aller jusqu’au bout.
À un moment donné, vous avez été titillé sur le flanc droit des Lions, comment avez-vous vécu cela ?
Je l’ai bien vécu. Quand on est compétiteur, il faut accepter les critiques et s’attendre à ce genre de situation. Je suis resté positif. C’est le coach qui décide et il faut accepter ses choix. Il ne faut pas non plus nuire à l’avenir du groupe. Ce n’est pas parce qu’on est mécontent ou qu’on a envie de jouer qu’on doit le manifester. J’ai continué à travailler comme j’ai l’habitude de faire et attendre mon heure. Le coach fait son choix et je pense que c’est pour le bien de l’équipe. S’il a des comptes à rendre je pense que c’est par rapport aux résultats. Donc, c’est le premier comptable de tout ce qui se passe dans son groupe. Partant de là, on se doit de respecter ses choix.
Quels sont vos favoris à la CAN 2019 ?
Il y aura beaucoup de grandes nations dans cette CAN, mais je ne me focalise pas trop sur les autres équipes. Je pense que si le Sénégal est à 100%, on pourra faire de belles choses quelle que soit l’équipe qui se dressera devant nous.
Peut-on voir un jour Lamine Gassama porter les couleurs de l’Olympique de Marseille, sa ville natale ?
(Rires). Ce serait un honneur pour moi de porter les couleurs de ma ville natale. Mais, pour le moment, je suis bien à Goztepe. Si un jour l’opportunité se présentait, je la saisirais et je porterais haut les couleurs marseillaises.
En tant qu’enfant des quartiers Nord, vous supportez toujours l’Olympique de Marseille ?
Oui, toujours ! Je m’informe toujours sur l’actualité du club. Étant plus jeune, je me rappelle, j’allais suivre l’Olympique de Marseille au Vélodrome. C’est mon équipe de cœur et rien ne le changera.
RECORD