Interview – Habib Beye : « Si je ne donne pas mon avis, je ne sers à rien »

Passé en deux ans d’Infosport au CFC, Habib Beye a connu une progression fulgurante, au point d’être aujourd’hui l’un des consultants les plus influents. Entretien non consensuel.

 

Votre carrière de consultant démarre en 2013. Au départ, ce n’est pas vraiment une vocation.

En effet. Je ne faisais rien et l’opportunité s’est présentée. Je me suis dit : « Allons-y, on verra si ça me plaît. » Ça m’a plu et j’ai vite évolué. J’ai commenté des matchs de Premier League de plus en plus importants et deux ans après mes débuts, on m’a proposé de faire le CFC. À petites doses au départ, une ou deux fois par mois, puis de plus en plus souvent.

Commenter ou faire du plateau, où va votre préférence ?

Si je dois choisir, je préfère commenter. Parce que je veux devenir entraîneur. Quand tu commentes, tu es au coeur du jeu. Tu es sur place, tu vois des choses que tu ne vois pas en plateau, tu peux échanger avec les coachs, etc. Le CFC est une magnifique vitrine et j’y prends beaucoup de plaisir, mais c’est le terrain qui me nourrit aujourd’hui.

Devenir consultant est devenu une reconversion privilégiée pour les footballeurs.

Les footballeurs ont parfois un ego surdimensionné. Je ne sais pas si c’est mon cas, mais je n’ai pas peur de dire que j’ai un ego important. Quand tu arrêtes ta carrière, hormis pour les grandes stars, tu retombes dans l’anonymat. On ne va pas se mentir, le fait de travailler dans les médias pour d’anciens footeux, c’est aussi un moyen de revenir dans la lumière tout en restant dans le milieu. Participer à une émission regardée par 1,5 ou 2 millions de personnes, être reconnu dans la rue, ça flatte l’ego. Maintenant, je ne suis pas en quête de ça. La notoriété, je l’ai eue en tant que joueur et je ne veux pas être un homme de télé. Si dans dix ans je suis toujours à la télé, je n’aurais pas raté ma vie, mais j’aurais raté ma vocation.

Vous voulez devenir entraîneur. Le CFC peut-il aussi servir de vitrine pour séduire des dirigeants de club ?

Oui, mais à une condition : avoir les diplômes requis pour entraîner au plus haut niveau. Mickaël Landreau qui était au CFC n’a été sollicité par Lorient qu’à partir du moment où il a eu ses diplômes. Peut-être que le président de Lorient s’est dit : « Il n’a pas d’expérience mais quand je l’écoute, sa vision et sa philosophie du foot correspondent à nos valeurs. » Quand j’aurai mes diplômes, un président sera peut-être tenté de miser sur moi.

Comment préparez-vous vos interventions ? J’ai lu que vous répétiez dans votre voiture en allant au CFC…

Je m’interdis d’aller à une émission ou de commenter un match sans être préparé à 200 %. C’est inconcevable. Alors je travaille sur les deux équipes, sur le contexte, la compétition. J’aime maîtriser mon sujet à fond, connaître tous les tenants et les aboutissants. Je me crée un personnage virtuel qui essaie de me mettre en difficulté et avec qui je débats. J’essaie de me donner un coup d’avance, de ne pas être pris au dépourvu ou désarçonné à l’antenne, alors j’anticipe les arguments que peuvent m’opposer les autres consultants.

Comme Paul Le Guen ou Pierre Ménès, avec qui vous avez d’ailleurs eu des échanges musclés.

Oui, beaucoup de médias ont buzzé et surfé là-dessus. Moi sur mes réseaux sociaux, je ne l’ai pas fait. Je n’ai pas surenchéri, je n’ai pas exploité le buzz parce que ce n’est pas l’image que je veux dégager.

Dans le style, il y a une certaine filiation entre Christophe Dugarry et vous.

Je me suis inspiré de lui. Il prend des risques en donnant son avis. Je me rappelle qu’il avait dit une fois qu’il s’emmerdait à regarder jouer Monaco. La forme n’avait pas été appréciée par tout le monde mais, au moins, il avait donné son ressenti. Mon métier, c’est de donner mon avis. Si je ne le fais pas, je ne sers à rien. Et ce que j’appréciais encore plus chez Christophe, c’est qu’il ne m’a jamais vu comme un concurrent ou quelqu’un qui était là pour prendre sa place. Contrairement à d’autres dans ce métier. Il a été bienveillant avec moi et on a bien débattu l’année où on a fait le CFC ensemble.

On vous reproche parfois, sur la forme, d’avoir un ton un peu hautain, de paraître arrogant.

Cette confiance en moi hors norme a toujours guidé ma vie. Je ne doute jamais. Je dégage une forme d’arrogance, un côté hautain et donneur de leçons et j’en suis totalement conscient. Je le vois parce que je visionne en replay toutes les émissions auxquelles je participe. Mais je ne changerai pas parce que ça fait partie de moi. Ce serait me dénaturer. Après, il y a une chose que je dois améliorer, c’est le sourire. Pour moi, le football, c’est sérieux et j’ai encore du mal à sourire.

L’une des grosses difficultés pour un consultant qui a été joueur, c’est de juger des gens qu’il a côtoyés et donner son opinion sans retenue. Comment gérez-vous cet aspect ?

Je fais ce métier depuis 2013 et pas une fois je ne me suis censuré. Mais c’est toujours argumenté, ce n’est jamais de la critique gratuite. Aucun joueur n’est jamais venu me voir pour me dire que ce que je disais sur lui n’était pas bien. J’ai entendu que Rudi Garcia n’avait pas été très content d’un truc que j’avais dit sur lui. S’il était venu me voir, on aurait discuté. Je ne me censurerai jamais et je ne ferai jamais de calculs en fonction de ce que je veux faire après. Je ne serai jamais consensuel ou prêt à faire des courbettes devant qui que ce soit. La preuve : tout le monde sait que l’OM est mon club de coeur. Eh bien, le consultant qui a le plus critiqué l’OM à CANAL+, c’est moi. J’y ai joué quatre ans et je connais très bien le club, je suis légitime. Mon rêve ultime serait d’entraîner un jour Marseille. Mais hors de question de me renier pour obtenir un poste ici ou là.

 

Source Mycanal