Ce que Babacar Guèye pense de l’équipe nationale de Football
Porte-étendard des pensionnaires de Génération Foot à Metz, Babacar Guèye a fait les beaux jours du club lorrain (2003-2009) avant de s’exiler en Allemagne puis en Chine où il mène une fin de carrière heureuse. Dans cet entretien exclusif accordé à RECORD, l’attaquant de Heilongjiang Lava Spring (D2 Chine) évoque l’équipe nationale.
Babacar, vous êtes perdu de vue depuis quelque temps…
Je joue toujours en Chine, dans une équipe de deuxième division. On vient tout juste de terminer la saison, on a fini 7ème place du tableau. Là, je suis en vacances au Sénégal. Et j’en profite pour me ressourcer.
Êtes-vous en train de vivre une seconde jeunesse en Chine ?
Oui plus ou moins. En tout cas, ça se passe très bien et je suis ambitieux là-bas avec mon club. Je suis en Chine depuis 2012 et ça me convient.
Pourquoi avez-vous choisi la Chine pour vous relancer ?
Je ne suis pas allé en Chine pour me relancer, non loin de là. J’ai fait un peu le tour. Malheureusement, je ne jouais plus et depuis un moment j’étais en Allemagne à Francfort. Un coach français que je connaissais m’a contacté pour le projet chinois et je suis parti. Les trois premières années se sont très bien passées.
Vous êtes un symbole du partenariat Metz – Génération Foot. Quel regard portez-vous sur cette collaboration ?
À mon avis, c’est exactement ce qu’il fallait faire. Metz a bien senti le potentiel que Génération Foot pouvait lui apporter. Il gagne dans ce partenariat, le football sénégalais encore plus. Les dirigeants messins ont bien épousé l’idée de Mady Touré. C’est une belle réussite.
D’aucuns pensent que Babacar Guèye n’a pas fait la carrière qui devait être la sienne ?
Oui. Peut-être. Le football fonctionne comme ça. Parfois, on fait un mauvais choix, il arrive aussi qu’on ait un entraîneur qui vous complique la vie et qui vous détourne de vos objectifs. La saison 2006-2007 a été le tournant de ma carrière. J’ai eu beaucoup d’offres, malheureusement Metz ne m’a pas libéré. Je suis resté contre ma volonté. J’ai vécu par la suite une saison difficile. Je n’avais pas d’autres choix et j’étais obligé de partir dans un autre club qui n’était pas forcément mon premier choix.
Vous regrettez alors votre parcours ?
Non, du tout. Je ne regrette rien parce que la Chine m’a le plus apporté dans ma carrière. Donc, je n’ai pas à regretter d’y être allé.
Comment votre passage en équipe nationale s’est-il passé ?
Vraiment, ça c’est très bien passé. À l’exception de la CAN 2008 où c’est l’ensemble de l’équipe qui n’a pas réussi à faire une bonne compétition, je me suis plutôt bien comporté. J’ai joué 28 matches avec la sélection, j’ai eu des entraîneurs qui m’ont donné ma chance. Pourtant, ce n’était pas évident parce que je jouais dans l’une des meilleures générations que le Sénégal ait connue. Malheureusement, les résultats n’ont pas été à la hauteur. Parce qu’il y avait une énorme attente. On n’a pas su répondre présent. Mais, c’est le football…
Justement dix ans après, pouvez-vous nous dire exactement ce qu’il n’a pas marché à la CAN 2008 ?
(Il soupire). C’est vraiment compliqué d’en parler. On avait pourtant fait une bonne préparation. Je pense que c’est le deuxième match qui a déstabilisé le groupe (ndlr, défaite face à l’Angola 3-1). On ne s’attendait pas à souffrir devant l’Angola. Après, il y a eu le souci avec l’entraîneur, Henryk Kasperzack, qui a démissionné en pleine compétition. Le groupe n’a pas pu se relever. Personnellement, jusque-là, je n’y comprends rien. On avait l’une des meilleures équipes sur le papier. Mais le football c’est sur le terrain.
Certains ont estimé qu’il y avait un conflit de générations ?
C’est après la Coupe d’Afrique qu’il y a eu ce problème de générations. Mais avant, tout se passait très bien entre nous. Certainement, c’et parce que les gens ont mal digéré cette compétition qu’il y a eu ce conflit. Mais, personnellement, je n’ai jamais eu de problème avec mes anciens coéquipiers. J’ai gardé de bons rapports avec tout le monde. Malheureusement, en 2008, ce n’était pas seulement l’équipe, c’est l’ensemble de la délégation qui avait des problèmes.
Le départ de Kasperzack avait donc sapé le moral du groupe ?
Pour moi quand on est dans une compétition aussi importante qu’une Coupe d’Afrique des Nations, l’entraîneur doit se garder de prendre certaines décisions qui peuvent déstabiliser son équipe. Quelles que soient les circonstances, Kasperzack ne devait pas lâcher l’équipe. Prendre une telle décision, c’est faire porter toute la responsabilité aux joueurs. Il faut le dire, il n’a pas protégé l’équipe.
En tant que footballeur, avez-vous le sentiment que Kasperczak avait trahi le Sénégal ?
Je pense qu’il n’aurait pas dû nous abandonner en pleine Coupe d’Afrique, dans un moment aussi délicat. On n’était pas complètement éliminé, on avait une petite chance de passer.
Quel est le sélectionneur qui vous a le plus marqué : Stéphan, Kasperzack, Lamine Ndiaye, Amara Traoré ?
J’ai eu des rapports heurtés et difficiles avec Kasperzack. J’étais à Metz à l’époque et je marquais beaucoup de buts. Mais, Kasperzack ne m’appelait pas et un jour en conférence de presse il a dit qu’il m’appelait vainement. On a démarré sur un malentendu. Ce qui a rendu difficile notre cohabitation. Mais quand il est passé me voir au FC Metz, nos rapports sont devenus cordiaux. Par contre, j’ai eu de très bons rapports avec Lamine Ndiaye. Franchement, lui m’a beaucoup marqué par sa simplicité et sa façon de manager son groupe.
Aujourd’hui encore, le football sénégalais échoue à la CAN. Quel est le problème, selon vous ?
Je ne pense pas qu’il y ait échec total. Le problème c’est qu’on n’arrive pas à trouver le déclic sur les matches décisifs. On fait partie des cinq meilleures équipes d’Afrique. Ce qu’il faut, c’est éviter de bouleverser le groupe. Il faut installer une continuité dans le staff et dans l’équipe. En voulant tout le temps changer, on risque de se tromper lourdement. Il faut laisser à l’entraîneur le temps de se perfectionner même s’il commet des erreurs en cours de route. Nul n’est infaillible. C’est ce qui fera qu’au bout du compte, on aura des résultats.
Justement, quelle appréciation faites-vous de l’équipe actuelle du Sénégal ?
On a une bonne équipe. Il nous manque des automatismes dans le jeu et dans la finition. Sinon, on a une équipe avec une bonne assise défensive. Sur le plan offensif, il y a du travail mais il faut aussi reconnaître que l’équipe a besoin de temps. Je parle de l’équipe qui a fait la dernière Coupe du monde. C’est dans le jeu qu’on doit plus s’améliorer. L’entraîneur sait déjà qu’il a une bonne assise défensive, il sait aussi que cela ne suffit pas pour gagner une Coupe du monde mais largement pour gagner une Coupe d’Afrique des Nations.
Vous pensez donc que l’équipe est sur la bonne voie pour gagner la CAN 2019 ?
Bien sûr. Mais, il ne suffit pas de le dire pour gagner la coupe d’Afrique. On a largement l’effectif et suffisamment des joueurs de qualité et un entraîneur suffisamment outillé. La Coupe du monde a été une expérience utile pour Aliou Cissé. Maintenant, il faut bien préparer cette équipe, bien la protéger et lui donner les moyens qu’il faut pour aller conquérir ce titre qui nous fuit depuis toujours. Sincèrement, on a les épaules assez larges pour y arriver. Cette compétition est différente du Mondial. Il y a quatre voire cinq équipes qui partent favoris. Il y a le facteur chance bien sûr mais moi je vais surtout insister sur le jeu produit par l’équipe.
RECORD