Andrea Pirlo a joué le dernier match de sa carrière cette nuit

L’Europe du football se réveille comme orpheline. Andrea Pirlo a disputé cette nuit son dernier match de football professionnel avec New York City. Le rideau se baisse sur l’un des plus grands esthètes de l’histoire du ballon rond, un champion hors normes qui aura marqué son époque. A 38 printemps et après 20 ans de carrière, le Maestro s’en va, et c’est un peu le football qui s’en va avec lui…

Que ça soit quelque part dans la botte, dans un stade d’Europe ou encore au pays de l’oncle Sam, et qu’importe une chaleur accablante ou les glaciales soirées hivernales, rien n’aurait su gêner l’artiste dans l’expression de son art. Son numéro 21 vissé sur le dos, le bel Andrea et sa longue chevelure auront bourlingué, gagné les plus grands trophées, et volé le cœur des âmes réceptives à l’élégance dans sa forme la plus rare.

NO PIRLO, NO PARTY

Pour les amoureux de son art, Andrea laisse une marque similaire à celui d’un premier amour. Cette sensation d’unicité, du romantisme débordant à l’infini, et cette certitude qu’il n’en existera jamais un deuxième comme lui. Oh, bien sûr, le football moderne n’est pas avare en jeunes pousses prodigieuses, des générations entières de caresseurs de cuir émergent chaque année. Mais l’Italien à ce « truc en plus » indescriptible qui laisse à penser que, si le football était une Dame, Andrea Pirlo serait son unique amant parmi une cour de prestigieux prétendants.

« EN LE VOYANT JOUER, JE ME SUIS DIT QUE DIEU EXISTAIT » – GIANLUIGI BUFFON

Si le Maestro a su séduire Dame Football, c’est en lui envoyant un ballon de 40 mètres avec plus de précision et d’élégance que Cupidon décochant une flèche depuis son arc. C’est en proposant une palette de savoir-faire normalement trop large pour un seul homme. Dépositaire d’un jeu généreux, la finition exquise est le propre du natif de Flero. En le voyant s’emparer du cuir pour frapper un coup franc, certains se préparaient déjà à fêter un but plus spoilé que la dernière série populaire, tandis que d’autres faisaient silence pour admirer et retenir leur souffle, au moment où l’artiste s’élançait pour gracieusement propulser la gonfle au fond des filets, pour qu’enfin, le stade entier puisse s’époumoner à clamer un seul nom. Ha segnato, il numero ventuno…

Que devait ressentir un gardien au moment d’encaisser un coup de pied arrêté subtilement caressé par le maître ? Certains en furent certainement frustrés, voir fâchés, d’autres honorés. Encore d’autres impertinents ont tenté de perturber l’imperturbable durant une séance de penalties avec, en enjeu, la finale d’un Euro 2012 survolé par son talent immense. La classe devant l’insolence, voilà la réponse d’Andrea Pirlo adressant peu de regard vers l’âme fraîchement brisée de Joe Hart.

RENAISSANCE EN BIANCONERO

L’art a un prix. Mais balancé par un Milan qui le pensait cuit au bout d’une saison difficile jonchée de blessures, Andrea Pirlo arrive à la Juventus en 2011 pour zéro euro, l’« affaire du siècle » selon les mots de Gianluigi Buffon envers ce qui reste très certainement le plus grand coup de maître de Beppe Marotta. S’il est normalement facile de rentabiliser les non-investissements, le recul et les performances de Pirlo en bianconero explosent tout ce qu’on pouvait espérer. Au sortir de 2 années indignes de son rang, la Juventus reconquiert le Scudetto et son bel Andrea en est l’un des grands artisans avec 3 buts et 18 passes décisives. Le trio central formé avec Vidal et Marchisio, puis Pogba formera l’un des meilleurs entrejeux du football Européen de ces dernières années.

Cette année là, la Juve était invincible, et on comprend pourquoi…

S’en suivra 3 autres années ou la Juventus roulera impitoyablement sur la Serie A en chiffonnant les rêves de ses adversaires avec son architecte à la manœuvre, primé trois années consécutives meilleur joueur de la Serie A. Décisif dans les plus grandes rencontres, comment ne pas se rappeler ce coup franc en Novembre 2013 face au Napoli étrillé 3-0 au Stadium. Ou encore un coup franc importantissime contre l’Olympiakos en phase de poules de Ligue des Champions 2014-2015, un but et une victoire qui relance la Juve à la qualification avant d’aller chercher une finale à Berlin. Et surtout, comment oublier le délire absolu d’un Juventus Stadium chauffé à blanc lors d’un Derby Della Mole de 2014. Le Maestro arme une frappe de 25 mètres qui fusille le portier granata pour offrir une victoire 2-1 à la Juve dans les ultimes secondes du match. Ce jour-là, la Vieille Dame a remporté un 25e succès consécutif dans son antre et une paire de crampons à exposer dans son J-Museum. On vous le disait, Pirlo est généreux.

90+4, Pirlo Time.

118 matches en bianconero plus tard, il n’y avait pas de scène plus adaptée que Berlin et sa finale de Champions League 2015 pour signer la sortie de l’artiste, à l’endroit même où il avait été sacré Champion du Monde avec son ami et coéquipier Buffon avec la Nazionale, 9 ans plus tôt. Si le destin ne lui a pas offert la troisième C1 de sa grande carrière, ses larmes de cette soirée-là ont traduit cette envie impérissable de vaincre qu’importe une armoire à trophées qui déborde de toutes parts. C’étaient aussi, sans qu’on le sache, les adieux du Maestro et le terme de sa belle alliance avec la Vieille Dame, jalonné de 4 Scudetti, une Coppa, 2 Supercoupes, et évidemment, l’amour éternel des tifosi et des coéquipiers qu’il n’hésite pas à accueillir chez lui à New York, lors de la tournée américaine de pré-saison de la Juve. Qu’importe la pige aux States, Pirlo est resté bianconero.

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RIDEAU

L’apport d’Andrea Pirlo au football est incommensurable. En 20 ans de carrière, c’est 6 Scudetti, 2 coupes d’Italie, 3 Supercoupes, 2 Ligues de Champions, 2 Supercoupes de l’UEFA, un Mondial des clubs, un Euro U21 et, bien sûr, un titre de Champion du Monde en 2006 pour ne citer que les titres majeurs, hors distinctions personnelles. Andrea Pirlo laissera le souvenir d’un joueur purement atypique, gracile, élégant, doté d’une vista hors du commun et d’un pied né dans la soie.

Un joueur médiatisé mais pour autant discret, un « leader silencieux qui parle avec ses pieds » comme le disait Lippi. Si Pirlo apparaissait à la caméra, c’était parfois pour se jouer de cette image d’homme mystérieux et badass que rien n’impressionne. La pression ? Un mot inconnu dans le lexique d’un Andrea au calme inné, et il en faut pour préparer un soir de Coupe du Monde en passant l’après-midi sur la Playstation.

La page d’une génération continue de se tourner, doucement mais sûrement.

S’il en a terminé en tant que joueur, l’Architecte annonce être encore en réflexion quand à son futur. Entraîneur ? « Ce n’est pas parce que vous étiez un bon joueur que vous ferez un bon entraîneur. L’étincelle doit surgir et elle n’est pas encore venue » dit-il avant d’ajouter « J’ai des idées, mais laissez-moi le temps de décider». Parce que le temps, Andrea en a plein désormais, peut-être pour profiter de ses proches avant toute chose, et trinquer en l’honneur d’une brillante carrière avec un verre de Pratum Coller, un vin issu de son vignoble, son autre grande passion.

Nous, nous trinquerons aussi à sa brillante carrière, à ces moments de football inoubliables offerts par l’un des plus grands talents de l’histoire du football.

Merci pour tout, Maestro.