Amara Traoré : «Bata reste un souvenir douloureux»

Trois matches, trois défaites. C’est le triste bilan du Sénégal à la CAN 2012 jouée à Bata. Sélectionneur national à l’époque, Amara Traoré n’est pas prêt d’oublier cette monumentale désillusion. Six ans après, les « Lions » retrouvent Bata. Amara Traoré lui souhaite un bien meilleur sort que son équipe qui y avait perdu (2-1) face au Nzalang Nacional.

Coach, que vous rappelle Bata ?

Beaucoup de souvenirs douloureux. Il y a cette CAN ratée. Vous savez, dans la vie d’un entraineur, on peut vivre parfois des situations difficiles. Même les plus grands entraineurs, à l’image de Guardiola, Mourinho, Ancelotti…, ont vécu des moments difficiles. Ce sont des problèmes de réussite qui arrivent dans la vie d’un homme et, vous le savez, l’entraîneur est d’abord un homme. Mais devant chaque situation, il va falloir se relever pour réussir. Moi, la mienne est arrivée à Bata à la CAN 2012, ce sont des choses qu’on ne programme pas.

Douloureux, ces souvenirs l’ont été pour le football sénégalais…

Pour moi, il n’y a pas de problème, je ne suis pas important dans cette affaire. Mais, pour le peuple sénégalais et notre football, Bata a été plus que douloureux. Je suis un être humain qui se bat pour son peuple. Par ma compétence, ce que je sais faire, j’essaye d’apporter quelque chose à mon pays. Alors je suis conscient qu’à cette CAN je n’ai pas pu apporter à mon pays et je n’arrive toujours pas le à digérer. Être le sélectionneur national c’est une grande mission, c’est faire rêver les gens, il y a une demande affective à laquelle l’entraîneur doit répondre. Quand on entraîne une équipe nationale, il ne faut pas oublier que l’on fait pour toute une Nation. C’est un sentiment de fierté nationale et on doit l’honorer parce que quand le Sénégal gagne, tous les Sénégalais sont contents et quand il perd, personne n’est heureux, ceux qui vivent dans les coins les plus reculés du pays comme les Sénégalais de la diaspora. C’est une très grande responsabilité et aujourd’hui vraiment je m’en veux d’avoir déçu.

Cette équipe du Sénégal peut-elle faire oublier la désillusion à Bata ?

Bien sûr. Cette équipe est sur la bonne voie et progresse d’année en année et match après match avec Aliou Cissé. Maintenant, il y a toujours des débats, car l’essence même du football c’est la contradiction. C’est pour ça que l’on parle toujours de partenaires et d’adversaires. On voit des commentaires parfois positifs, tantôt négatifs. On peut dire ce que l’on veut mais l’équipe avance, elle progresse. Il y a eu ce débat sur la possession du ballon, mais je pense qu’à l’heure actuelle, la possession ne fait pas gagner une équipe. On l’a vu avec la dernière Coupe du monde, la France est devenue championne et pourtant n’avait pas la possession pendant les matches (rires). Ce n’est plus un débat ça. Les gens peuvent faire des remarques, mais il faut savoir aussi que c’est le coach qui met en place les dispositifs technico-tactiques, élabore un plan de jeu et voit comment son équipe doit jouer.

Pensez-vous que l’équipe du Sénégal est suffisamment outillée pour gagner la CAN ?

On est à 6 mois de la CAN 2019 et la Fédération a été claire sur l’objectif : remporter le trophée continental. À mon avis, c’est une mission difficile pour Aliou Cissé parce que ce sera une compétition très disputée. Maintenant, je pense que le coach doit procéder à des synthèses, voir ce qui n’a pas marché lors de la CAN 2017 et du Mondial 2018, essayer de regrouper tous ces facteurs afin de se donner une chance d’éviter les erreurs du passé. La vie d’un sélectionneur n’est jamais facile et je profite vraiment de l’occasion pour féliciter la Fédération d’avoir laissé Aliou continuer son parcours. Après quatre ans à la tête de cette équipe je pense qu’il la connaît bien et ça lui facilite le travail. À Bata (ce samedi contre la Guinée équatoriale), je lui souhaite de faire un bon match, avec de la qualité, avec des buts. En tout cas, une victoire du Sénégal en terre équato-guinéenne me permettra d’effacer le mauvais souvenir de Bata.

Justement comment les Lions devraient-ils s’y prendre pour gagner ce match de samedi ?

Ils doivent se comporter en conquérants pour ne pas dire en seigneurs ! Aujourd’hui, l’équipe du Sénégal est à la tête de cette poule et rien qu’avec ce statut, elle doit jouer libérée, sans pression. Ce match doit nous servir de préparation car ce genre d’occasions est rare. Donc, il faut en profiter pour peaufiner une équipe compétitive. La CAN se joue dès maintenant et Aliou doit s’y atteler dès à présent : essayer de voir comment il compte jouer et élaborer déjà le projet de jeu qu’il veut mettre en place. Ne rêvons pas, le coach ne va pas inventer quelque chose qu’on n’a pas déjà vu, on ne peut pas lui demander de faire de la magie quand même.

RECORD